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Claude Lévi Strauss. Leçons d'humanités

Propos recueillis par Suzi Vieira

 

In occasione del centenario di Lévi-Strauss , Philosophie magazine, n. 21, 2008, ha diffuso sul web (http://www.philomag.com/fiche-dossiers.php?id=45) un dossier dedicato all’antropologo, articolato in tre parti: quella che segue, “Leçons d’humanités”, è la terza.

  

Claude Lévi-Strauss a ouvert les portes d'un monde sans «sauvages». Ses héritiers – qu'ils soient romanciers, psychiatres ou ethnologues– empruntent ce passage pour renouveler leur approche.

 

Michel Tournier

Écrivain, lauréat du prix Goncourt pour Le Roi des Aulnes, il est l'auteur de Vendredi ou les limbes du Pacifique et de Vendredi ou la vie sauvage (Gallimard). L'académicien, qui dit vouloir raconter des histoires populaires sur des sujets philosophiques, a toujours affirmé sa dette à l'égard de Claude Lévi-Strauss.

 

Claude Lévi-Strauss, dont j'ai suivi les cours au musée de l'Homme, a eu sur moi une influence considérable, parce que l'une de ses grandes leçons a été de supprimer le mot «sauvage» de notre vocabulaire. L'histoire montre que la civilisation judéo-chrétienne a toujours trouvé un moyen de rejeter la plus grande partie de l'humanité dans le néant. Dans l'Antiquité, il y avait les Grecs et les «barbares», ceux qui ne savaient pas parler. L'idée qu'on puisse avoir une autre langue que la langue grecque était inconcevable. Ensuite, il y a eu les chrétiens et les «païens», ceux qui n'avaient pas de religion. Enfin, à partir du XVIIIe siècle, il y a eu les civilisés et les «sauvages». Là encore, l'idée qu'on puisse avoir une autre culture que la culture occidentale moderne était inconcevable. Claude Lévi-Strauss a consacré toute son oeuvre d'ethnologue à montrer que ceux que nous qualifions de «sauvages» ont aussi une civilisation. Lors de ses cours, il nous a appris à respecter les gens qui ne sont pas de notre culture et à étudier la leur. Ce fut décisif pour moi qui, en ce temps-là, écrivais mon premier roman, Vendredi ou les limbes du Pacifique, inspiré du Robinson Crusoé de Daniel Defoe. Dans ce livre, après vingt années de solitude sur une île déserte, Robinson voit enfin un compagnon arriver: Vendredi. Coup dur pour notre héros: ce n'est pas un Anglais protestant comme lui… C'est un «sauvage». C'est-à-dire que c'est d'abord comme cela que Robinson le voit, avec la mauvaise vision que nous avons des «sauvages». Mais, là est tout le sujet du roman, à vivre avec Vendredi, Robinson va s'apercevoir qu'il a un univers, qu'il a une langue, qu'il voit les choses d'une façon différente et que Robinson a tout intérêt à étudier cela et à adopter plus ou moins le point de vue de Vendredi. La version courte et plus légère de ce roman, intitulée Vendredi ou la vie sauvage est mon grand succès. Pour d'innombrables enfants, qui m'invitent d'ailleurs dans leurs écoles pour en parler avec eux, je suis l'auteur de Vendredi ou la vie sauvage, point final! Eh bien, tout cela, je le dois à Claude Lévi-Strauss. Je n'ai jamais osé le lui demander, mais c'est à lui en réalité que j'aurais dû dédier ce livre.